dimanche 29 mai 2011

C'est encore à moitié endormie qu’Émilie entra dans la cuisine. Sa colocataire, déjà levée depuis une heure, la regarda d'un oeil faussement compatissant. Cela faisait une semaine qu’Émilie avait arrêté la Fac, et qu'elle s'évertuait semble-t'il à mettre l'appartement sans dessus dessous. Emilie avait décidé sur un coup de tête de tout arrêter. Elle avait réalisé que la vie qu'elle était en train de se construire ne lui correspondait pas, et qu'il valait mieux se résigner maintenant à l'évidence plutôt que s'évertuer à foncer dans un mur. Ses parents n'avaient bien sûr pas compris sa décision, et il était évident qu'il ne la soutiendrait pas comme auparavant. Mais cela faisait déjà plusieurs années que la vie de leur fille n'était plus le centre de leur préoccupations, et qu'ils n'étaient pas aussi présents qu'ils auraient dus l'être. Emilie ne pouvait donc compter que sur elle-même dans cette nouvelle aventure. Sa colocataire et amie, Sandra, était à ses côtés, mais de toute évidence elle ne comprenait pas totalement son choix. Sandra venait de terminer brillamment sa cinquième année de droit, et ne comptait en arrêter là. Elle n'avait jamais manqué de rien et avait toujours pu réaliser la moindre de ses envies, tantôt grâce à la richesse de sa famille , tantôt par sa détermination sans limites. C'est ce qui avait attiré Emilie lorsqu'elles avaient fait connaissance deux ans auparavant. Sa force de caractère et son ambition. Emilie, qui n'avait jamais réellement eu confiance en elle et qui manquait de conviction, s'était sentie immédiatement rassurée à côté de cette force de la nature. Elles avaient très vite sympathisé et une forte amitié s'était tissée entre elles deux. Ainsi, bien que ne comprenant pas sa décision de tout arrêter , Sandra était tout de même aux côtés d'Emilie et la soutenait à la moindre de ses idées. Elle connaissait la fragilité de son amie, et son caractère influençable. Lui montrer qu'elle pouvait réussir par elle-même et qu'il fallait qu'elle se lance étaient primordiales.

 Après cette semaine de repos et de réflexions sur elle-même et ses projets, il était temps qu’Émilie se décide à propos de ce qu'elle allait faire. Elle avait en fait depuis plusieurs années un projet qui lui tenait vraiment à coeur, mais qu'elle s'était bien gardé de révéler. Elle avait toujours aimé voyager, rien ne l'attirait plus que l'inconnu et l'ailleurs. Seulement, elle avait été, comme beaucoup d'autres jeunes gens, entraînée sur les bancs de la Fac, comme si c'était de nos jours la seule voie possible pour toute personne censée. 

Elle avait donc pris une décision importante. Après avoir cherché sur internet, elle avait découvert des témoignages de personnes qui comme elle, avaient tout plaqué pour totalement changer de vie. Elle avait ainsi trouvé un site qui proposait de partir dans un village qui avaient été détruit par des catastrophes, et dont les populations avaient besoin d'aide afin de reconstruire. L'un de ces villages se trouvait au Pérou, où des pluies torrentielles avaient provoqué des éboulements très importants et le débordement de rivières. Des dizaines de personnes avaient disparus et la difficulté d'accès à cette région du pays n'aidaient pas les aides humanitaires, peu nombreuses, à organiser les chantiers. Elle avait donc décidé de partir. Elle avait un avion dans quelques jours, le temps de récupérer les papiers nécessaires et de saluer ceux qui lui manqueraient.